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Le “greenium” : encore là, ou déjà disparu ?

Le “greenium” : encore là, ou déjà disparu ?

Une analyse du ESG Lab de l’Institut Louis Bachelier
Nov 4, 2025 12:12
Nov 4, 2025

Longtemps considéré comme la preuve tangible que la finance durable pouvait aussi être économiquement avantageuse, le “greenium” – c’est-à-dire la prime de financement plus favorable accordée aux obligations vertes – semble aujourd’hui s’atténuer.

Autrefois présenté comme un incitatif fort pour les émetteurs, ce différentiel de coût tend désormais à disparaître, au profit de nouveaux facteurs : crédibilité des émetteurs, solidité des cadres réglementaires et maturité des marchés.

Un avantage réel, mais de moins en moins structurel

Entre 2019 et 2022, selon la Banque de France, les entreprises françaises ont bénéficié d’une prime verte moyenne atteignant jusqu’à –17 points de base en 2020, portée par un fort appétit des investisseurs et une offre encore limitée.

Depuis 2023, cet avantage s’est estompé dans la majorité des marchés européens. Les obligations vertes et classiques convergent désormais vers une parité de rendement, signe que le marché s’est stabilisé.

Le maintien d’un greenium dépend aujourd’hui de plusieurs paramètres :

  • La structure sectorielle : il demeure présent dans la finance, l’immobilier et les services publics, secteurs où les plans de transition et la transparence extra-financière sont plus lisibles.
  • La crédibilité et la liquidité de marché : la prime verte subsiste en France et aux Pays-Bas, mais pas en Allemagne ni en Italie.
  • La qualité des cadres de référence : les émissions conformes aux standards stricts, notamment le EU Green Bond Standard (EuGBS), affichent les primes les plus solides grâce à une gouvernance renforcée et une vérification externe indépendante.

Un constat similaire pour les Sustainability-Linked Bonds

Les obligations à objectifs durables (SLBs) suivent la même trajectoire.
Les premières émissions affichaient un greenium proche de –30 points de base en 2021 (Kölbel & Lambillon, 2023), mais cet avantage a disparu dès 2022.
Les écarts restants, de l’ordre de –1 à –2 points de base, sont aujourd’hui statistiquement faibles et économiquement marginaux.

Fait notable : cette différence n’est pas liée aux pénalités intégrées (les « step-ups »), mais à un effet de nouveauté – la forte demande des investisseurs pour les premiers émetteurs labellisés. Cela révèle la fragilité d’une partie du discours d’“impact”, lorsque les incitations financières restent symboliques.

Un instrument arrivé à maturité

La disparition progressive du greenium ne traduit pas la fin des obligations vertes, mais leur entrée dans une phase de maturité.
Leur intérêt dépasse désormais la question du coût pour se concentrer sur des bénéfices structurels :

  • un accès privilégié à des investisseurs spécialisés ESG,
  • une meilleure conformité aux cadres de divulgation et de taxonomie européens,
  • une réputation renforcée et une plus grande confiance des parties prenantes,
  • une anticipation des exigences prudentielles et réglementaires à venir.

Malgré un léger ralentissement du marché, les obligations vertes représentent toujours la grande majorité des émissions durables, confirmant leur rôle central dans le financement de la transition.

Une réflexion portée par le ESG Lab

Au ESG Lab de l’Institut Louis Bachelier, nos travaux visent à relier données financières, recherche académique et régulation pour mieux comprendre les moteurs réels de la finance durable.
Ces analyses alimentent la réflexion sur la manière dont les instruments financiers peuvent évoluer d’une logique de “prime de prix” vers une prime de crédibilité et d’impact réel.

À l’occasion de la COP 30 à Belém, les 14 et 15 novembre, João Sertã, directeur du ESG Lab, présentera ces travaux lors des journées thématiques consacrées à la finance, à l’énergie et aux marchés du carbone.

Lire l’analyse complète (en anglais) :
“The Greenium: Still There, or Fading Away?” sur LinkedIn

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